La colline qui travaille de Philippe Manevy
Dans La colline qui travaille, Philippe Manevy tisse avec finesse une fresque familiale qui court sur quatre générations, au cœur de Lyon, entre luttes ouvrières, espoirs populaires et transformations sociales. À travers la figure d’Alice, sa grand-mère maternelle, tisseuse, au lendemain du Front Populaire, l’auteur ouvre une chronique intime et sociale à la fois. René, son époux typographe, complète ce couple de bâtisseurs discrets mais déterminés.
Le roman déroule ensuite l’histoire de leur fille Martine, studieuse et appliquée, à qui ils tenteront d’offrir un avenir meilleur, dans une époque traversée par les grands événements du XXe siècle : les deux guerres mondiales, les crises économiques, les Trente Glorieuses et les désillusions contemporaines. Chaque chapitre éclaire un membre de cette lignée, avec en toile de fond les mutations de la société et la transmission silencieuse des espoirs et des douleurs.
Porté par une écriture accessible et sensible, ce texte se fait aussi hommage à la ville de Lyon – ses quartiers populaires, ses ateliers de la Croix-Rousse, son passé ouvrier –, ces tisserands instruits et combatifs qui ont marqué l’histoire locale. Philippe Manevy parvient à relier la petite histoire à la grande, en offrant un regard tendre et lucide sur ses origines. Le roman s'impose comme une déclaration d’amour à la classe ouvrière, à ses femmes et ses hommes "d’en bas", tout en renouvelant le genre de la chronique familiale avec une sincérité touchante.
Prix France Télévisions - Roman – 2025
Ce roman a été une double découverte pour moi : celle d’un auteur, Philippe Manevy, et d’un éditeur, Le Bruit du Monde, qui m'étaient inconnus. Et quelle belle surprise ! Dans une veine sociale qui rappelle les grandes fresques réalistes, Manevy parvient à écrire une histoire profondément humaine !
La lecture est fluide, le style accessible mais sans simplicité excessive. On ressent à chaque page la tendresse de l’auteur pour ses personnages, tout comme sa volonté de rendre hommage à ceux qui ont vécu dans l’ombre, et qui ont pourtant contribué à bâtir une société plus juste. Les figures d’Alice et René sont particulièrement marquantes : leur engagement, leur ténacité, leur amour pour leur fille font écho à de nombreuses trajectoires ouvrières peu racontées.
Ce qui m’a également profondément touchée, c’est la place centrale donnée à Lyon. Non seulement la ville est décrite avec précision et poésie, mais son histoire sociale. Le roman devient ainsi un formidable vecteur de mémoire : mémoire familiale, mémoire ouvrière, mémoire urbaine.
La comparaison de l’auteur avec Germinal, montre bien la spécificité de ce récit : loin d’un naturalisme noir, c’est une tentative d’honorer les vies simples mais essentielles. Manevy ne cherche pas à faire son Zola – il le dit lui-même –, mais à préserver la trace de ceux qui se sont "épuisés à ne pas disparaître". Une ambition humble, mais ô combien réussie.
Ce livre m’a donné envie de découvrir plus en profondeur le passé ouvrier de Lyon, ses pentes, ses ateliers, ses luttes. Une lecture qui bouleverse doucement, qui instruit sans lourdeur, et qui nous rappelle que chaque fil de notre histoire mérite d’être reconnu.
xx
